Questionnaire de Proust…

Date de naissance et lieu:

Le 10 août 1956 à Creutzwald (57). C’était « la » maternité du Bassin Houiller de Lorraine. J’habitais, à Merlebach, dans le coron qui jouxte le Puit V où mon père descendait pour travailler. Près de l’hôpital.

Quel est votre compositeur préféré?
Gustav Malher + Johann Sebastian Bach (la Chaconne) + Josquin Des Prés, surtout après avoir entendu ses Messes à la file à Berlin à la Salle Boulez (un vendredi et un samedi). Ceux que j’écoute sur mon smartphone ou « mobile multifonction » : les enregistrements de Jordi Savall.

Quel groupe aimeriez-vous diriger?
L’Orchestre philharmonique de Berlin. Parce que j’aurai été choisi par l’orchestre pour le diriger. Cas unique. Ce ne sont pas les fonctionnaires à la Kulture qui se chargent de le choisir mais les instrumentistes. Et le choix dure quelque fois très très longtemps !

Quel est le livre que vous avez lu plusieurs fois ?
Il y en a deux que j’ai relu deux fois (ou plus !…) : La Chartreuse de Parme de Stendhal (à cause des îles Borromées…! Stendhal écrivait : « Que dire du lac Majeur, des îles Borromées, sinon plaindre les gens qui n’en sont pas fous ? ») et L’Education sentimentale de Flaubert. Pas Madame Bovary. Puis, il y a ceux que j’aimerais relire  : Histoire de Claude Simon et Blanche et l’oubli d’Aragon. Pour Stendhal et Flaubert : ce sont des lectures initiées par des profs (Fassla et Morand!). Inoubliables. Comme j’ai fait mes études secondaires chez les salésiens, dans le Sundgau, — les jésuites des pauvres* — j’ai eu des prêtres comme enseignants. Dont un prêtre qui venait de faire sa coopération au Chili durant la Révolution qui m’a fait lire Flaubert : M. P. nous peignait la révolution de 48 dans l’Education sentimentale. Je connais Frédéric, Madame Arnoux et Marie… M.P. quitta les ordres, eu son agrégation, fit sa thèse sur Flaubert, et enseigna à Science Po à Strasbourg où je le retrouvais. Parce que déjà à l’époque les étudiants ne savaient plus écrire… Il faisait des cours d’expression écrite… !

* Jean-Robert Pitte, ancien président de l’Université Paris-Sorbonne, Membre de l’Institut: « Que ceux qui en doutent se plongent dans la biographie des pionniers de l’enseignement libre destiné aux pauvres : saint Jean-Baptiste de La Salle ou saint Jean Bosco [salésiens]. » ]

Quelle œuvre d’art aimeriez-vous posséder?
Un tableau de Vilhelm Hammershøi : Le repos. Il ne doit pas être trop cher : le peintre n’est connu que dans les pays nordiques. Je plaisante.

Dans quel film auriez vous voulu avoir un rôle?
Dans La maman et la putain de Jean Eustache. Allez savoir pourquoi ? Il y a plusieurs rôles masculins !

À quelle personnalité aimeriez-vous parler?

À aucune !! Ah, si : à Marie-Madeleine  ! Il y a la fresque magnifique de Piero della Francesca qui la représente à la Cathédrale d’Arezzo. Ou cette fresque de Cranach qui montre le Christ à côté de Marie-Madeleine :

Quel est votre principal trait de caractère?
La curiosité ? Le respect ?  L’empathie ? L’admiration ? Pour ceux qui le méritent !

Quand et où préférez vous travailler?
Très tôt le matin ou très tard le soir, au premier étage dans mon bureau. Avec mes chiens — espèce grégaire !

Une invention importante de l’humanité au XXe siècle:
Le cinéma : « C’est le cinéma qui fera réapparaître, immédiatement visible, l’homme enseveli sous les mots et les idées » (Balàzs)

A quel architecte demanderiez-vous de faire les plans de votre maison ?
Alvar Aalto — pour son usage du bois et sa sobriété. Mais je n’ai qu’une vieille masure vosgienne. Pour l’instant.…

Où aimeriez-vous vivre?
A Berlin, le long du Landwehrkanal, plutôt la partie sud dans le prolongement du Mayabachufer. A cause du lieu (les berges) et d’un très beau poème de Paul Celan  : «DU LIEGST im großen Gelausche,/ umbuscht, umflockt. // Geh zur Spree, geh zur Havel,/ geh zu den Fleischerhaken, /zu den roten Äppelstaken /aus Schweden –// Es kommt der Tisch mit den Gaben, /er biegt um ein Eden – // Der Mann ward zum Sieb, die Frau /mußte schwimmen, die Sau, / für sich, für keinen, für jeden – // Der Landwehrkanal wird nicht rauschen. /Nichts/ stockt.»
Et parce que ce sont des maisons superbes. Ce sera peut-être le cas pour ma retraite. Mais il me faudrait gagner beaucoup d’argent d’ici là ! Surtout que mon expert-comptable a oublié (?) de m’inscrire à l’URSSAF. Et il faudrait encore attendre quelques années, au moins jusqu’à 80 ans, c’est l’âge de la retraite d’une consœur (Jacqueline Chambon).
Je pense que quand Celan parle des « Fleischerhaken »,  ce sont les crocs de bouchers qu’il y a au Plötzensee et où les nazis tuaient des résistants allemands ou les membres de l’Orchestre Rouge,  les conjurés de juillet 44, Alfred Delp, ceux qu’Arendt n’a jamais vraiment compris… D’ailleurs, les Allemands  d’après-guerre non plus ne les comprenaient pas  : ce n’est que depuis peu de temps qu’il y a un dépôt de gerbes en juillet, chaque année.

C’est suffocant ! Zachor !

Comment aimeriez vous mourir ?
Paisiblement, dans mon lit.

Ah, bon, et où ?
Oui. Sinon : à Venise ! Ou à Torcello. On pouvait y dormir pour pas cher. Il y avait un B&B en face de la Locanda Cipriani. Je rigole.


P.S.2018-I. On m’avait demandé de répondre à un questionnaire de Proust  pour une revue spécialisée en littérature coréenne 
à  l’avant-dernier Salon du Livre. J’ai commencé à le rédiger : les résultats étaient lamentables. J’ai recommencé. J’ai essayé d’être le plus pudique possible ! Un questionnaire de Proust: on doit essayer de se découvrir  sans se découvrir. Alors il vaut mieux  faire les questions et les réponses soi-même ! Je dois ajouter quelque chose : le long du Landwehrkanal est paradoxalement l’endroit le plus cher de Berlin ! Au mètre carré !… C’est donc uniquement sur le mode  optatif… !! C’est un vœu ! Ou sur l’île de Schwanenwerder sur la Havel. Non, de plaisante.

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